Jean-Marie Le Pen, une enfance sans paillettes

Animal politique conspué par les uns, adulé par les autres, Jean Marie Le Pen n’a jamais caché ses origines modestes et populaires. Au creux des côtes du Morbihan, récit d’une enfance simple, prémices d’un destin hors norme.

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Animal politique conspué par les uns, adulé par les autres, Jean Marie Le Pen n’a jamais caché ses origines modestes et populaires. Au creux des côtes du Morbihan, récit d’une enfance simple, prémices d’un destin hors norme.

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Jean Marie Le Pen est né en 1928 à La Trinité-sur-Mer, en Bretagne. Fils et petit-fils d’un marin- pêcheur et d’une mère couturière, c’est sur le sol en terre battue d’une petite maison bretonne exiguë et partagée avec deux autres familles qu’il fera ses premiers pas. Très loin de la modernité parisienne, l’eau courante et l’électricité ne font pas encore partie des commodités domestiques.

Pour se faire entendre, il devra pousser ses premiers mots plus fort que le vent du large, ami des matelots et terreur de leurs épouses. 

Originalité dans un milieu très catholique où les fratries de 10 enfants sont la norme, Jean-Marie Le Pen est enfant unique. En gardera-t-il cet attrait instinctif et viscéral pour la Patrie dans laquelle il voit autant de frères et sœurs dont la nature l’a privé ? 

Loin d’être un enfant-roi, il grandit dans le giron d’un père aimant mais rude et exigeant, tout comme pouvait l’être le quotidien de cette France profonde encore meurtrie par la Grande guerre. 

La Première Guerre mondiale, il la connaît dans ces visages cassés qui peuplent son village, revenus comme des ombres des champs de batailles, lavés du sang de 240 000 compatriotes bretons. Il l’a connait aussi à travers la figure héroïque du Maréchal Pétain et des récits de guerre de son père et son grand-père, fervents patriotes.

Les principes éducatifs paternels dont il hérite sont simples : ne dépendre de personne, ne rien devoir à personne. 

Alors que son père le voit déjà officier dans la marine marchande, Jean- Marie Le Pen veut déjà tracer son propre chemin. Il quitte à huit ans l’enseignement catholique pour l’école communale, dans le dos de ses parents fervents chrétiens. Il y sera très impressionné par un instituteur socialiste et vétéran de la guerre de 14 fervent promoteur des “valeurs”, de la “discipline” et de la “patrie”.

À l’abri des regards, dans son grenier, il aménage un refuge dans lequel les premières bande dessinées Mickey Mouse côtoient les gravures de Jeanne d’Arc qu’il collectionne religieusement.

En 39, Jean-Marie a 11 ans. La guerre éclate rapidement suivie de l’Armistice, le jeune breton se range instinctivement et avec conviction aux ordres de Pétain qu’il révère comme héros de la Grande Guerre. Quand “les Boches” arrivent à La Trinité sur Mer, il voue à ces jeunes et fringants occupants une haine naturelle mêlée d’une irrépressible admiration.

Mais lorsqu’un soir de 42, un allemand vient chez lui annoncer que son père a péri au large dans l’explosion d’une mine sous-marine, l’occupant germanique, à qui il attribue la responsabilité de ce funeste accident, sera définitivement honni à ses yeux. 

Ayant hérité des armes paternelles, il se résout même à venger son père, prêt à tirer de nuit sur le premier soldat venu, sans toutefois aller au bout de son geste.

Devenu orphelin de père, Jean-Marie devient pupille de la Nation. Cette filiation nouvelle enracine en lui l’âme “nationaliste” qui sera au principe de sa carrière politique.

Une carrière politique qui se dessine sur les bancs du collège. De retour dans une scolarité catholique, c’est auprès des Jésuites que Jean-Marie apprend ce que seront ses deux grands atouts : l’art du discours et l’indiscipline. D’une part, il excelle aux joutes oratoires publiques et autres concours d’éloquence organisés par son école. D’autre part, il prend en grippe l’autorité cléricale, et développe la personnalité turbulente et ingérable qu’on lui connaît, au prix de multiples exclusions.

À la libération, le châtiment vengeur réservé aux “collabos”, réels et souvent supposés, principalement orchestré par des communistes locaux, fait naître chez Jean Marie une aversion définitive pour l’extrême gauche. C’est à ce moment-là qu’il posera ses premiers gestes politiques, avant de partir à la conquête de Paris sur les bancs de la faculté de Droit.

Le Pen” en breton, ça veut dire chef. Devenir chef de la France. Voilà le rêve qu’il poursuivra désormais.