Jean-Marie Le Pen, le tribun de la plèbe

De ses origines populaires au fameux basculement des classes populaires vers le FN, le parcours de Jean-Marie Le Pen n’est certainement pas celui d’un politicien déconnecté des aspirations populaires. Avant d’atteindre ses scores actuels, le FN aura toujours mobilisé une base irréductible d’adhérents, peu à peu grossie au fil des élections, avec des phénomènes comme le fameux “vote caché”.

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De ses origines populaires au fameux basculement des classes populaires vers le FN, le parcours de Jean-Marie Le Pen n’est certainement pas celui d’un politicien déconnecté des aspirations populaires. Avant d’atteindre ses scores actuels, le FN aura toujours mobilisé une base irréductible d’adhérents, peu à peu grossie au fil des élections, avec des phénomènes comme le fameux “vote caché”.

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Jean-Marc Lech, directeur de l’institut de sondages Ipsos en 2002, déclare avec grande assurance que Jean-Marie Le Pen a peu de chances d’atteindre les 10%. Il ne sera même pas le “troisième homme” de l’élection, alors autant ne pas penser au second tour. D’ailleurs le troisième homme devrait être une femme, Arlette Laguiller.

Patatras, le Menhir arrive second de l’élection. Arlette Laguiller sera cinquième juste derrière François Bayrou. Stupeur générale. Même si les sondages annonçaient bien un dépassement des 10% par le FN, une telle situation était inattendue : comment penser que le diable de la République obtiendrait un soutien suffisant ?

Nombre de chercheurs, comme Nonna Mayer ont analysé le phénomène du “vote caché” auprès des études d’opinion : face à la forte couverture négative reçue par le Front National, à des médias et personnalités publiques largement réprobateurs de l’engagement en faveur de ce parti, les gens n’auraient pas assumé leur vote FN, même dans le secret des questionnaires de sondages.

Mais Jean-Marie Le Pen n’aura pas attendu les sondages de 2002 pour bénéficier d’un appui populaire : sa jeunesse était déjà celle d’un prolétaire, et son parcours de vie, lui, est une ascension sociale. Quand il devient député poujadiste, à 28 ans, c’est avec un parti-syndicat populaire s’il en est, l’Union de Défense des Commerçants et Artisans. Poujade porte la colère des employés et petits patrons de ce qu’on appellerait aujourd’hui “la France périphérique”, excédés par la charge fiscale sur leurs activités. Le Pen fait ses premières armes d’homme politique, à l’Assemblée et dans les meetings. Ses talents d’orateur font déjà bonne impression, ses prises de parole s’enchaînent avec celle de Poujade.

Quand le FN est fondé en 1972, c’est aussi comme héritier de ce créneau électoral. Jean-Marie Le Pen, dans ses discours, ses interviews, ses professions de foi, fait valoir son extraction, sa situation familiale, sa vie étudiante où les petits boulots l’ont fait tour à tour ouvrier en bâtiment, marin pêcheur et même mineur de fond. Il aura d’ailleurs été le dernier homme politique français à avoir travaillé dans les mines, quelques mois de 1949 au fond des sept cent mètres de profondeur du puits d’Eisden, entouré de collègues ne parlant pas le Français. Cela lui donnera une solide sympathie pour les ouvriers et autres travailleurs des métiers pénibles, en même temps qu’une certaine rancœur envers les marxistes et autres politiciens habitués à convoquer la condition prolétaire sans l’avoir connue.

Les médias et chercheurs mettront du temps à reconnaître cet appui de Le Pen sur les classes populaires : cela ne devient un vrai sujet qu’en 1990. Auparavant, le vote FN est supposé être une espèce de monstruosité sociologique, une émanation du fascisme bourgeois ou d’on ne sait trop où. Mais il s’avère ensuite indéniablement que les ouvriers par exemple constituent près de la moitié d’une base électorale stable du parti de Jean-Marie Le Pen. Les gens du peuple qui le voulaient bien avaient, sans l’avis des médias, choisi leur tribun.