“Chez Le Pen, tout finissait par des chansons”

Parmi les nombreuses passions du Menhir, et parmi les composantes de son énergie jamais brisée, on trouve la musique et le chant. De sa petite enfance dans une France rurale à ses dernières années où l’on verra sur YouTube de vénérables interprétations de chants de Noël, la vie de Jean-Marie Le Pen aura été un long chant gaillard et joyeux

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Parmi les nombreuses passions du Menhir, et parmi les composantes de son énergie jamais brisée, on trouve la musique et le chant. De sa petite enfance dans une France rurale à ses dernières années où l’on verra sur YouTube de vénérables interprétations de chants de Noël, la vie de Jean-Marie Le Pen aura été un long chant gaillard et joyeux

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Dès le premier tome de ses Mémoires, Jean-Marie Le Pen consacre tout un chapitre à la place du chant dans sa jeunesse, au sein de sa famille et plus largement de la France qu’il a connu, un pays où les transistors et autres postes radios étaient des raretés, où à défaut d’airpods les gens n’avaient que leurs voix pour mettre de la musique dans leur quotidien. Il s’y lance dans une réflexion nostalgique sur l’importance du chant au quotidien :

C’était le cas dans toute la France d’alors. Le pays chantait. Peintres, charpentiers et maçons sur leurs échafaudages, boulangers au fournil, tout le monde à l’atelier. Des goualantes, de l’opérette, de l’opéra aussi. Il me semble que ça s’est terminé avec le transistor. Alors beaucoup de Français ont jugé plus commode de se taire et d’écouter. Ce n’est pas un progrès. Le chant est aussi naturel à l’homme qu’à l’oiseau. Les deux fonctions de la musique sont complémentaires. On se limite aujourd’hui à la fonction passive d’écoute. On se mutile de la fonction active. Sans doute reste-t-il des gens qui chantent ou jouent d’un instrument, mais cela fait partie de la culture savante. La culture populaire ingurgite une soupe toute faite et servie par la télé, la radio, les concerts, internet. Le peuple a perdu sa voix.”

Bretagne chantante

Il y a d’abord les pardons de Bretagne, les cantiques à l’église, les chants des marins de la Trinité-sur-Mer. Le Menhir se rappelle, poétique : “Quand le peuple chantait lors des pardons, on aurait dit la mer, qui revient sans cesse sur elle-même, qui ne finit jamais.”

Et puis les Le Pen, avant d’avoir l’électricité dans toutes les pièces de leur maison, ont tout de même un Radiola, un poste de radio autour duquel on se réunit religieusement avec les voisins pour écouter les tubes de Tino Rossi. À l’école laïque, “Jean” apprend ensuite des chants patriotiques, avec quelques rengaines anticléricales ou comiques.

En montant à la capitale, il se familiarise avec le répertoire étudiant de la Corpo, à la faculté de droit place du Panthéon. Là c’est toute une série de chants royalistes, anarchistes, paillards, régionaux, nationalistes et communistes qui émaillent les beuveries de la joyeuse bande de Le Pen que Claude Chabrol accompagne au piano : La Ligue Noire, L’Internationale, l’hymne de la 2eDB… et bon nombre de titres plus légers, comme Le con et la bouteille ou L’électricienne. Il côtoie aussi, dans les nuits parisiennes, Maurice Chevalier ou encore Marcel Mouloudji qui deviendra son ami.

L’industrie musicale de Jean-Marie Le Pen

Il y aura aussi l’épisode de la SERP où le Menhir, pour faire vivre sa famille en parallèle d’une carrière politique peu lucrative, lança sa maison de disques qui produisit aussi bien des chants traditionnels que des chants fascistes, soviétiques, israéliens ou anarchistes, ces derniers l’inspirant pour écrire son mémoire sur “Le courant anarchiste en France depuis 1945”.

Plus tard, le Menhir aimait raconter ce moment où, le voyant rentrer dans un bar, un groupe d’étudiants communistes se met à chanter l’Internationale avec hésitation : sans se démonter, il se joint à eux jovialement et finit l’intégralité des couplets seul.

On n’arrête pas un peuple qui chante

Pour Jean-Marie Le Pen, au-delà de la passion personnelle, le chant avait aussi une fonction culturelle importante, en apportant une forme de communion aux citoyens. Il cite parfois la “révolution chantante” estonienne, où les chants traditionnels ont été un des symboles du mouvement de résistance pacifique à la dictature soviétique en 1989. Et plus généralement, la valeur du chant dans les traditions, les cultures régionales, se fait sentir pour un petit breton du Morbihan qui s’est engagé pour les Français ruraux et petits commerçants, pour les ouvriers qui chantaient en travaillant sur le port pendant sa jeunesse à Vannes ou à Lorient, pour ses frères d’armes en Indochine et en Algérie.

Au cours de ses années au FN, le “président” se fera aussi remarquer par son goût pour le chant et la danse, au fil des fêtes et divers événements du parti, notamment les “Fêtes des Bleu-Blanc-Rouge”. Il aura aussi droit à un titre de zouk à son nom, par la chanteuse attitrée du FN, la franco-malgache Isabella Impératori, qui composera “Avec Jean-Marie, je n’ai plus de peine”.

On le voit même, à la tribune de l’Assemblée, reprendre un air d’opérette pour se moquer du duo Mitterrand-Chirac alors au gouvernement.

Dans ses dernières années, le Menhir ne se fera pas prier pour pousser la chansonnette : que ce soit en égayant ses trajets de député européen, en souhaitant un Joyeux Noël, ou en ressortant des titres paillards et des gloires de la chanson française pour des médias, Jean-Marie Le Pen a rappelé aux Français que la vie est toujours plus belle en chantant.