Après des débuts d’instruction prometteurs chez les religieuses puis chez le vicaire de la paroisse, dont il garde de bons souvenirs, le petit Jean demande à ses parents de le mettre à l’école laïque. La pieuse maman est choquée, mais le garçon veut surtout être avec ses amis !
Il y reçoit l’instruction par un incroyable personnage, le père Pourchasse. Ironie de l’histoire, cet homme qui marquera Jean-Marie Le Pen était un ancien soldat avec un œil de verre et un joyeux luron aimant chanter, autant de traits que l’on retrouvera des décennies plus tard chez le patron du FN.
À l’hiver 1940 il part chez les jésuites de Vannes, dans un collège cher mais de haut niveau. La discipline stricte et les camarades bourgeois ne sont pas vraiment à son goût, le petit campagnard doit faire ses preuves à l’étude et dans la cour de récré pour être accepté des autres.
Jean-Marie Le Pen se rappelle des levers à cinq heures, des lignes de poésie classique qu’il avalait chaque trimestre : « Cent vers grecs, deux cents vers latins et quatre cents vers français par trimestre« . Jusqu’à la fin de sa vie, il s’en rappellera des fragments entiers :
Les années qui suivent font connaître la guerre et le rationnement, le règlement strict devient spartiate. Jean-Marie Le Pen manque de se faire renvoyer pour avoir ramené un magazine français sur la guerre de 14-18 au pensionnat, mais on est en 1943, il est Pupille de la Nation et orphelin de père depuis un an : les jésuites ont pitié de lui, il en sera quitte pour cinq jours d’isolement.
Il commente : “C’est la seule fois que j’ai fait de la prison dans ma vie. Je n’en garde nulle rancune aux Jésuites. On a peut-être déjà compris que je suis d’un tempérament rebelle. Je ne supporte pas aisément la discipline. Les deux seules institutions dont je l’ai acceptée sans discussion sont les Jésuites et la Légion étrangère. Parce que l’autorité y repose sur l’exemple”.
La situation est déjà délicate, mais elle est résolue par l’occupation : les Allemands réquisitionnent le collège des jésuites, Jean-Marie Le Pen doit rentrer à La Trinité-sur-Mer. En 1944 il entre au collège de Lorient, délocalisé dans un cadre idyllique : la petite île de Berder, dans le golfe du Morbihan. Les récréations sont dans le bois au bord de la mer, l’enseignement sous la houlette de l’abbé Guyodo reste strict et parfois dur avec l’adolescent turbulent.
Cette fois, ce ne sont ni la discipline ni les Allemands qui vont le virer, mais les Alliés : à la nouvelle du Débarquement de juin, l’abbé Guyodo juge plus prudent de renvoyer les élèves chez eux. Il va lui-même rejoindre les résistants sur le continent, et devenir aumônier au maquis de Saint-Marcel où Jean-Marie Le Pen connaîtra le baptême du feu quelques semaines plus tard.
Après l’incertitude, la reconquête de la France vient, et le retour à l’école s’impose. Jean-Marie s’inscrit dans un lycée de Lorient, d’où il va se retrouver viré en quelques mois pour indiscipline. Ayant goûté aux mois de vacances impromptues, à la liberté, au maquis, l’adolescent ne tient pas en place.
Le lycée suivant, à Vannes, ne finit pas mieux : le Menhir, qui n’a ici eu que des religieux et des vieillards en enseignants, se place ostensiblement près du bureau de la jeune et jolie professeure de mathématiques… et se retrouve à se battre à la sortie des cours avec son fiancé, de quatre ans son aîné !
Nouveau renvoi, Jean-Marie Le Pen, ce sera donc Paris. Il intègre les classes de philosophie du membre de l’Institut Achille Oüy, un marxiste charismatique, à Saint-Germain-en-Laye où réside son amoureuse du moment. Après avoir réussi à passer son bac, vaille que vaille, c’est là que commence la vie d’étudiant de Jean-Marie Le Pen… ou plutôt une nouvelle série d’aventures pour un jeune boursier aussi énergique que précaire.